Issu d’une fratrie de six enfants, Mohamed est le premier garçon de sa famille. Ce jeune, est né le 03 Avril 1982 dans la capitale Conakry où il a passé une grande partie de sa vie. D’un père et d’une mère lettrés, son éducation a été ponctuée d’une rigueur remarquable. La religion musulmane, elle, gouvernait son quotidien.
Mohamed commence l’école coranique auprès de son grand-père, imam, qui porte son prénom. Vu l’intelligence que son homonyme a détecté en lui du fait qu’il maîtrisait vite les sourates, demande a été faite à son père de l’inscrire à l’école.
Il entame le préscolaire à la maternité « Maman Émile » où il fait ses premiers pas dans la cité Cameroun en 1988. Cet apprentissage préscolaire, l’a mené à l’école primaire de Camayenne plage en 1989. Là-bas, il va sortir premier de l’école avec le diplôme du Certificat d’études élémentaires (CEE) en 1996, au bout de six années d’études. Et c’est également là qu’il ajoute le prénom de sa mère« Kadiatou » au sien.
« Quand j’étais à l’école primaire, j’avais un ami qui s’appelle aussi Mohamed Sylla au CM2 (6ème Année) et il fallait faire la part des choses entre ceux qui sont Mohamed 1 et Mohamed 2. Dans nos discussions, je lui ai dit que je vais prendre le prénom de ma maman. Il me dit pourquoi pas ton papa ? J’ai répondu non. J’ai choisi le prénom de ma maman, c’est ce qui m’est venu à l’idée. Je l’aime bien et j’aime son prénom. Je lui ai dit que je dirais au maître d’ajouter « Kadiatou » à mon prénom. Mon ami à son tour est parti consulter son papa et après il m’a dit mon ami c’est toi qui a raison, je prends aussi le prénom de ma maman Mohamed Nana SYLLA, actuellement en Service au Secrétariat Général des Services Spéciaux», raconte-t-il.
Inscrit au collège 1 Donka, le jeune adolescent n’a pu faire que la 7ème et 8ème année avant que ses parents ne décident de l’enlever là-bas pour résultats insuffisants.
« Mes premiers résultats de la 7ème année étaient satisfaisants. La 8ème année a été un peu catastrophique. À la fleur de l’âge, ce n’est vraiment pas évident. Mon papa a jugé nécessaire de m’enlever à Donka et de m’envoyer au collège 2 de Boulbinet en ville. Mon école et son bureau, il n’y avait que la route qui nous séparait. Son bureau était en face de l’école. Donc le suivi était régulier. Je descendais avec lui et je remontais avec lui au même moment. J’étais directement géré par lui. De la 9ème en 10ème, j’ai fait ça à Boulbinet 2», révèle-t-il.
Très tôt, son père le voyait comme l’espoir de la famille. Il y avait un suivi régulier sur lui juste pour que son premier fils ne déserte pas. Le suivi était dur et il avait du mal à être avec ses amis. Après l’école, il était soumis à un contrôle strict et régulier. « Si je dois blaguer, c’est quand je quitte l’école. Le soir, il y avait la lecture coranique et de là-bas, il faut revenir réviser, soit tu te couches ou tu restes à la maison. Mais tu es à la maison, si tu ne fais pas ça, tu as tes dix coups du jour », précise Mohamed Kadiatou Sylla.
Il obtient le diplôme du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) en 1999. Le lycée « 2 octobre » l’a accueilli pour trois ans où il a opté pour les sciences expérimentales. La raison était toute simple : il voulait être médecin.
« J’ai un ami avec lequel j’ai passé toute mon enfance dans la Cité Cameroun du nom de Ibrahima Telico BARRY, on rêvait chacun de nous d’être médecin. Dans le processus d’évolution, on s’est rendu compte qu’il fallait opter pour les sciences expérimentales si tu veux être médecin, il faut forcément passer par cette option », soutient-il.
Le jeune lycéen brillant, réussit à passer son Bac 1 puis son Bac 2 en 2003. Par la suite, il a affronté un concours communément appelé « Concours d’accès » la même année. A l’époque, c’était l’étape ultime à franchir pour accéder à l’université. Il finira par l’obtenir.
Orienté à l’Université Julius Nyerere de Kankan en Économie, option Finances. Cela a tué son espoir de devenir un médecin militaire (son rêve). Le bachelier se retrouve dans un domaine compliqué auquel il ne s’attendait pas.« Moi qui sort des trucs de biologie, de chimie, de physique, un peu de géologie, des domaines que je maîtrisais absolument bien, je me retrouve dans une situation d’économie. Il fallait s’adapter », souligne-t-il.
Pour un jeune comme lui qui, longtemps après avoir vécu avec ses parents, se voit obligé de partir loin des siens (ses proches) afin de poursuivre ses études supérieures. Le milieu ne lui était pas familier et il devait apprendre à vivre une nouvelle vie.
« Au début ça n’a pas été facile parce que non seulement l’environnement était étrange en tant qu’étudiant mais pour la première fois dans l’histoire, je sors très loin de la famille. J’ai eu la chance d’aller faire des colonies de vacances à l’intérieur et dans la sous-région, des vacances pour deux semaines ou un mois. Je vois ma vie et la responsabilité devant moi, c’était une première », témoigne Mohamed Kadiatou.
Dans cette localité qui est la capitale de la savane guinéenne, le jeune Mohamed face à la réalité, savait que l’objectif était de réussir et finir ses études avec succès. Il a relativisé pour se focaliser uniquement sur sa quête de connaissances. Il ambitionnait d’aller à l’étranger pour suivre des grandes études universitaires. Après deux (2) ans de tentatives soldés par des échecs, il décide d’abandonner cette idée et de se concentrer sur lui-même. « Le bonheur est partout, la réussite est partout », confia-t-il.
Fruit de la 42ème promotion de l’université de Kankan, il sort avec un diplôme en option « Finances » avec la mention « Bien » en 2007.
Il est détenteur d’un Master 2 en Administration publique avec l’École nationale d’administration publique du Québec dans le cadre de la première promotion de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Guinée, première promotion des administrateurs publics (Septembre 2018 – Avril 2021).
Aussi, il est de la deuxième promotion du Projet Rajeunir et Féminiser l’Administration Publique Guinéenne en 2014 avec le Centre de Perfectionnement de l’Administration en partenariat avec l’Université Sciences Po Bordeaux.
Son activisme dans la société civile et sa carrière administrative !
Dans sa jeunesse, Mohamed Kadiatou Sylla était actif dans le mouvement juvénile, social et politique de 2006 à 2013. Il est devenu responsable de la jeunesse de Camayenne, son quartier. Cumulativement, il était Président du Conseil Communal de Dixinn jusqu’en 2013. Membre fondateur de la Coordination Régionale des Jeunes Leaders de Conakry, l’activiste Mohamed a également travaillé avec le Conseil National des Organisations de la Société Civile (CNOSC). Il a milité pour la gestion des conflits et la promotion de la non-violence. Ce qui l’a amené à collaborer avec Search For Common Ground. Il a fait partie du Programme de Renforcement des Capacités des Organisations de la Société Civile et aussi du lobbying des jeunes pour la mise en place d’un Conseil National des Jeunes de Guinée. De l’activisme citoyen, il a migré vers la politique pour un temps.
Un an après son cursus universitaire, Mohamed Kadiatou Sylla désormais diplômé, est admis à la fonction publique guinéenne, où il a commencé sa carrière administrative par un stage probatoire pour comprendre ce que c’est l’administration. Puis il est affecté à la division des ressources humaines en qualité de fonctionnaire stagiaire. « Je suis resté pendant trois ans 2008- 2011 en qualité de Chargé d’études ».
En 2011, le jeune fonctionnaire est placé comme chef section formation et sensibilisation, au service genre et équité. Poste qu’il a occupé jusqu’en 2017 puis, muté au Ministère du Commerce en qualité de chef de Division des Ressources Humaines, au vu de ses résultats et de son expertise en matière de l’administration, il bénéficie de l’admiration de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues et de tout le personnel au bout de trois (03) ans.
En Août 2020, il est nommé à la tête de l’Office National de Contrôle de Qualité (ONCQ) avec pour mission de mettre une véritable administration de Contrôle de Qualité et de lutter considérablement pour la protection des consommateurs guinéens. En mars 2021, il est reconduit dans les mêmes fonctions.
« Après beaucoup de réflexion entre la politique et l’administration, j’ai opté pour le choix de me focaliser dans une vision administrative pour développer ma carrière professionnelle. C’est ce qui m’a emmené à me concentrer sur l’administration publique. Cette concentration m’a permis d’avoir la confiance de mes chefs et de mes collègues et c’est ce résultat que je bénéficie aujourd’hui », rappelle-t-il.
Nostalgique, le jeune directeur se montre reconnaissant envers son père dont il regrette la disparition trois (03) mois avant sa promotion en qualité de chef de Division des Ressources Humaines.
« Le papa a su veiller sur mon éducation avant de mourir. Il est décédé aujourd’hui, c’est la chose que je regrette. Mais dans ma vie, étant dans cette condition et à ce stade, j’aurais bien voulu que Dieu lui donne la chance qu’il me voit à ce niveau fonctionnel parce que ça a toujours été son souhait.
Ils m’ont inculqué des valeurs, des visions et des idéaux hors pairs mais calqués à leur image et à leur éducation », déclare-t-il.
Ambitions, projets et rêves
Mohamed Kadiatou Sylla, dans sa lutte quotidienne, se réjouit de son parcours administratif. Ces efforts sont l’aboutissement de longues années de dur travail mais surtout de vision.
« Mon papa m’a préparé à ce que je devienne quelque chose en me mettant à l’école, en me suivant de près avec des directives et des valeurs très claires. Je ne suis guère surpris de ce qui m’arrive aujourd’hui », soutient-il.
Loin d’être un problème de moyens, Mohamed n’a évolué qu’à l’école publique, du primaire jusqu’à l’université en passant par le collège et le lycée. C’est pour cette raison qu’il reste redevable à l’État qui a payé ses études. « J’ai une redevabilité morale vis-à-vis de l’État. C’est un plaisir pour moi de rendre la monnaie à l’État en étant intègre, en mettant en valeur cette notion de redevabilité, en faisant mon travail selon les règles de l’art, suivant les textes qui le régissent mais dans le plus grand bonheur de la population guinéenne », martèle-t-il.
Son plus grand souhait est de voir le laboratoire de l’Office National de Contrôle de Qualité (ONCQ) accrédité. Pour lui, c’est l’une des plus grandes attentes de toute la République de Guinée. Le pays ne dispose pas de laboratoire d’essai, d’étalonnage accrédité, malgré le fait que l’État ait consenti des efforts en mettant les moyens pour les structures évoluant dans l’infrastructure qualité.
« Au niveau de l’ONCQ, vous avez un bâtiment de laboratoire flambant neuf avec les équipements de dernière pointe qui existent. Les ressources humaines sont dans une dynamique de renforcement de capacités. Les textes sur les procédures sont là. Pour que le pays soit respecté et accepté de tous, il faut qu’on ait une structure accréditée », sollicite-t-il.
Ses ambitions pour l’ONCQ c’est d’aller vers la qualification pour que les certificats de nos produits soient acceptés et respectés de tous sur le plan sous régional, régional et international ; faire de l’ONCQ, l’organe principal de contrôle de qualité en tenant compte de sa dimension de compétence nationale et aussi s’inscrire dans une perspective d’installer des mini laboratoires régionaux à N’zérékoré, Kankan, Mamou et Kindia pour décentraliser quelques analyses des produits alimentaires et non alimentaires.
Motivé et engagé, pour Mohamed Kadiatou Sylla, le secret de sa réussite, est le travail d’équipe, le respect de l’éthique et la déontologie et surtout la transparence. « C’est la clé de voûte de toute réussite. Une seule personne ne peut pas. Quand tu as une équipe, il faut travailler avec tes collaborateurs de façon franche et directe, vous réussissez. Il n’y a pas de miracle », reconnaît-il.
D’un ton imposant et d’un caractère serein, ce jeune de la quarantaine révolue, veut laisser des empreintes sur son passage. Il estime qu’au fil du temps, il finira par quitter et ce souci d’obligation de résultats l’anime visiblement.
Sa force, c’est la valeur du respect et de la considération humaine. Cette qualité, il l’a puisée de son grand-père. Très ouvert et doté d’une grande humilité, il travaille dans le silence. Son défaut, Mohamed Kadiatou est une personne renfermée et solitaire. Il déteste quelqu’un qui n’est pas objectif et sans vision.
S’il se fait violence pour imposer la rigueur dans son travail, Mohamed, armé d’un sourire affectueux, aime le football, les vues de mer, la plage, le restaurant et parfois en boîte…
Son rêve, est celui de servir la Guinée, le pays qui l’a vu naître, grandir et qui l’a tout donné.
Mohamed Diawara