Avis juridique sur la cession des actifs de l’ancienne compagnie nationale Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, le 18 juillet 2002 (Legal opinion)
I– Mission
Dans le cadre de la cession des actifs de l’anciennecompagnie aérienne nationaleAir-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, le 18 juillet 2002, il est question de vérifier, à travers cet avis juridique,si MonsieurCellouDaleinDIALLO a, dans l’exercice de ses fonctions de Ministre des Transports et des Travaux publics, violé la loi ou commis une infraction quelconque relevant de la compétence de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF).
Pour les besoins du présent avis, les rédacteurs ont consulté les documents ci-après :
a-Le rapport « non contradictoire » du Comité d’Audit et de Surveillance des Secteurs Stratégiques de l’Économie (CASSSE), en date de février 2010 ;
b-La Lettre no050 du 4 juillet 2002 du Directeur de l’Unité de privatisation relevant du Ministère de l’Économie et des Finances ;
c-Le décret no064 du 12 juillet 2002 portant dissolution de la « Nouvelle Air- Guinée » ;
d-La Convention de cession des équipements et installations de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, en date du 18 juillet 2002 ;
e-L’articledu siteinternetwww.africaguinee.comparule 15 février 2022 transcrivant une déclaration Radio-télévisée du Procureur spécialprès la CRIEF, M.Aly TOURE,ouvrant une informationjudiciairecontremonsieurCellouDaleinDIALLO et autres ;
f-La convocation, relayée par la presse,deM.CellouDaleinDIALLO par la CRIEF, en date du 24 mai 2022 ;
g-La loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État ;
h-Le Code pénal ;
i-Le Code de procédure pénale.
Il reste entendu que la présente opinion juridique concerne uniquement le droit guinéen en vigueur à l’époque des faits et à ce jour, à l’exclusion de toute autre réglementation ou tout autre droit.
II – Rappel historique des faits relatifs àla décision de privatisation, à la dissolution et à la cession des actifs de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, le 18 juillet 2002
Al’arrivée deM.CellouDaleinDIALLO au Ministère des Transports et des Travaux publics,enmars 1999,la compagnie nationale Air-Guinéeétait déjàconfrontée àd’énormes difficultés financières.
Pour maintenir l’activitéde cette entreprisepublique, sauvegarder les emplois et sauver de la faillite la Compagnie nationale, le « Pavillon Air Guinée », l’État a,dans le cadre de sa politique de désengagement,procédé auchangementdustatut juridique de la Compagnie pour ouvrir son capital aux investisseurs privés. C’est ainsi que la Compagnie nationale laissera place à une nouvelle société anonyme dénommée : « Nouvelle Air-Guinée ».
Par la suite, faute de trouver un partenaire intéressé à entrer dans le capital social, la « Nouvelle Air-Guinée » sera dissoute par décret du Président de la Républiqued’alors, le généralLansanaConté,et ses actifs feront l’objet de la Convention de cession des équipements et installations de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, en date du 18 juillet 2002.
Conformément à l’article 4 in fine de la loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État, la Convention de cession a été signée parM.CellouDaleinDIALLO,Ministre des Transports et des Travaux publics en fonction à l’époque et parM.Cheick Ahmed CAMARA, Ministre de l’Économie et des Financesen fonction à l’époque.
III – Résumé des faits et de la procédurerelatifs àl’incrimination deM.CellouDaleinDIALLO
Depuis 2009, le nom deM.CellouDaleinDIALLO est cité dans cette affaire communément appelée « Affaire Air-Guinée », sans doutepour le discréditer auprès de l’opinionpubliqueen raison de sastaturepolitique. Pourtant, en dépit de la féroceadversité qui l’opposait àM.Alpha CONDE, celui-ci ayant constaté le caractère fallacieux des accusations concernant les dossiers d’Air Guinée et de sondomicile de DIXINN, n’a jamais voulu saisir la justice contre lui. Ilen aété de même pendant la courte présidence de MonsieurMoussaDadisCAMARA.
L’affaire dite Air-Guinée a fait l’objet d’un rapport d’Audit « non contradictoire » produit en février 2010 par le Comité d’Audit et de Surveillance des Secteurs Stratégiques de l’Économie (CASSSE) mis en place en janvier 2009 par le CNDD. Ce rapport a été rédigé sous la direction et la supervision du Vice-président chargé des Audits,M.Ousmane KABA qui n’offrait aucune garantied’indépendance pour ce travail. En effet, il a appartenu au même Gouvernement queM.CellouDaleinDialloetsera portéà la tête du Parti PLUSdans les mois qui ont suivi, donc un adversaire politique de ce dernier avec un réel conflit d’intérêt.
Dans ce rapport, les responsabilités sont situées ainsi qu’il suit :
1 – Les personnes qui ont initié et effectué les opérations de cession ;
2 – Les personnes ayant participé directement et/ou indirectement aux opérations de cession ;
3 –Les personnes qui ont détourné une partie des sommes destinées au règlement des travailleurs.
Le nom deM.CellouDaleinDIALLOest citédans le premier groupecomme « initiateur de la vente ». Et cela, par ignoranceou par abstractiondes pratiques du travail gouvernemental et de la loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État, il lui est reproché d’avoir signé la Convention de cession. Or, aux termes de l’article 4 in fine de cette loi, il avait l’obligation de signer la Convention de cession avecM.Cheick Ahmed CAMARA, Ministre de l’Économie et des Finances.
Le 15 février 2022, le Procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) a, sur la base de ce rapport d’Audit, annoncé l’ouverture d’une information judiciaire dans le dossier de la vente des actifs de l’ancienne Air-Guinée contre :
1 – MonsieurCellouDaleinDIALLO, Ministre des Transports et des Travaux publics en fonction à l’époque ;
2 – Monsieur Cheick Ahmed CAMARA, Ministre de l’Économie et des Finances en fonction à l’époque ;
3 – Monsieur Ibrahima CAMARA, Directeur de l’Unité de privatisation relevant du Ministère de l’Économie et des Finances en fonction à l’époque ;
4 – Monsieur Mamadou Sylla, opérateur économique.
Dans unarticledu siteinternetwww.africaguinee.comparule 15 février 2022 à 22 h 4 mn, le Procureurspécial près la CRIEF, M.Aly TOURE a déclaré : « Dans la cession d’Air-Guinée, ces cadres de l’État et opérateurs économiques ont commis des infractions graves à la loi pénale ». Il ajoute : « Après analyse du rapport d’Audit, le parquet a requis l’ouverture d’une information pour les faitsde malversation dans la passation des marchés publics, corruption, enrichissement illicite, détournement de deniers publics, recel de biens et complicité ».
Par voie de presse, nous apprenons que le 26 mai 2022, MaîtreSalifouBEAVOGUI, Avocat, a reçu de Maître Mama Moussa CONDE, Huissier de justice, la signification d’une convocation de la CRIEF en date du 24 mai 2022, intimantM.CellouDaleinDIALLO de se présenter le lundi 13 juin 2022 à 10 heures 20 minutes devant la Chambre de l’instruction de ladite Cour. LaChambre est présidée parM.MohamedBamaCAMARA, assisté de deux membres,MmeAïssatou SAKHO etM.Ibrahima BAYO.
Dans cette convocation, il est mentionné que les membres de la chambre sont saisisdes faitssuivants :« détournement de deniers publics, corruption d’agents publics, enrichissement illicite ».Il y est également précisé que :« …Et pour lesquels une inculpation pourrait être envisagée. En cas d’absence injustifiée, en application de l’article 211 du Code de procédure pénale, nous pourrions décerner à votre encontre un mandat de comparution».
La régularité de la convocationa été largement contestée à travers la presse par le conseiller juridique du PrésidentCellouDaleinDiallo,en l’occurrence Me Amadou Diallo.Cette convocationassimiled’une partles qualificationsjuridiquesaux faitsréellement reprochés à M.CellouDaleinDiallo.D’autre part,la signification de la convocation faite à une personne non habilitée, en l’occurrence MaîtreSalifouBEAVOGUI, était tout aussi irrégulière. C’est pourquoi, ce dernier a, par courrierdatédu 30 mai,procédé à la restitution dela convocation à l’Huissierconcerné.
C’est donc, en violation des dispositions de l’article 144 du Code de procédure pénale,que cetteconvocation ne mentionne pas les faits reprochés àM.CellouDaleinDIALLO etquela notification de la convocation n’a été faitenipar lettre recommandéeni par l’intermédiaired’un Officier de police judiciaire.
IV – Rappel du droit applicable à la Privatisation et/ou à la cession des actifs de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA
De manière générale, le régime juridique applicable à la Privatisation relève de la loi et de ses textes d’application. Pour la cession des actifs del’ancienne Air-Guinée, les principaux textes applicables étaient les suivants :
–laConvention de cession des équipements et installations de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, en date du 18 juillet 2002;
–laloi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État ;
–Le décret no064 en date du 12 juillet 2002 portant dissolution de la « Nouvelle Air- Guinée »
–L’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique (AUSCGIE)de l’OHADA (Article 201 al.4).
1-La Convention de cession des équipements et installations de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA, en date du 18 juillet 2002.
Elle définit clairement l’identité des parties, son objet et les obligations qui en découlent. En outre, elle contient une clause compromissoire qui prévoit un arbitrage en cas de litige devant la Chambre d’arbitrage de Conakry.
2-La loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État.
Cette loi fixe les règles générales de la privatisation des entreprises publiques. Elle précise en son article 4 que le Ministre de l’Économie et des Finances est seul responsable des opérations des privatisations et qu’il mène celles-ci avec le département ministériel assurant la tutelle technique de l’entreprise publique concernée.
Sur le plan strictement juridique,il apparait queM.CellouDaleinDiallo n’a rien à se reprocher dans cette affaire et absolument rien ne justifie sa convocation. Il suffit de lire les articles 3 et 4 de cette loi pour s’en convaincre.
Article 3 :«Le désengagement de l’État sous toutes ses formes est soumis à l’autorisation préalable du Président de la République.
Cette autorisation est donnée par décret pris en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre chargé de la privatisation. La fin de chaque opération de désengagement est constatée, selon la même procédure par un décret du Président de la République pris en Conseil des Ministres ».
Article 4 :« Une fois le décret d’autorisation pris,le Ministre chargé de la privatisation estseulresponsable devant le Président de la République de la mise en œuvre des méthodes et procédures de désengagement décrites dans la présente Loi. Il est ainsi investi du pouvoir de signer au nom et pour le compte de l’État les documents et actes relatifs aux opérations de désengagement de l’État des Entreprises Publiques.
Le Ministre chargé de la privatisation tient informé le Conseil des Ministres de ses activités dans le cadre du désengagement.
Il mène celle-ci en collaboration avec les Départements de tutelle technique des Entreprises concernées. »
3-Le décret no064 en date du 12 juillet 2002 portant dissolution de la « Nouvelle Air- Guinée »
Ce décret qui a dissout la société anonyme « Nouvelle Air- Guinée » précise que le Ministre de l’Économie et des Finances et le Ministre des Transports et des Travaux publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de son application.
4-L’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) de l’OHADA (Article 201 al.4).
Il convient de rappeler ci-dessous les effets de la dissolution concernant un actionnaire unique et personne morale. A cet égard, cet Acte dispose en sonArticle 201:« La dissolution de la société n’a d’effet à l’égard des tiers qu’à compter de sa publication au registre du commerce et du crédit mobilier. La dissolution de la société pluripersonnelle entraîne de plein droit sa mise en liquidation. La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci.La dissolution d’une société dans laquelle tous les titres sont détenus par un seul associé entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à cet associé, sans qu’il y ait lieu à liquidation...».
V – Analyse des éléments de fait et de droit
Un examen sommaire des éléments de fait et de droit de cette affaire permet de se rendre compte queM.CellouDaleinDIALLOsemble êtrevictime de persécution, de discrimination et de diffamation.
La lecture de la loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État,susmentionnée,notamment danssesarticles 3 et 4, révèle ce qui suit :
1–M.CellouDaleinDIALLO n’a commis aucune infraction en apposant sa signature sur la Convention de cession ensaqualité de Ministre des Transports et des Travaux publicsen exercice;
2 – Le Ministre de l’Économie et des Finances est seul responsabledevant la loides opérations de privatisations qu’il mène avec le département ministériel assurant la tutelle technique de l’entreprise publique concernée.C’est à ce titrequela cession des actifs d’Air Guinée a été effectuée par leMinistre de l’économie et des finances et ses différents services. Il estdès lors surprenantde constater que ni le Ministre de l’Économie et des Finances, ni les responsables des différents services impliqués decedépartement ou de celui du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat n’ont été convoqués par la CRIEF. Il en est de même pour le cessionnaire, c’est-à-dire Air Guinée Express.
Il est important de rappeler qu’aucun cadre du ministère des transports n’a participéaux opérations d’aliénationou de locationdes actifs de l’ancienneAirGuinée,nià l’inventaire et à la valorisation des actifs cédés,etencore moinsà une séance de négociation avec le repreneur.
La lecture du rapportd’audit« non contradictoire » du Comité d’Audit et de Surveillance des Secteurs Stratégiques de l’Économie (CASSSE), montre bien que le nom deM.CellouDaleinDIALLO ne figure pas surla liste des personnes ayant participé directement et/ou indirectement aux opérations de cession et, encore moins, sur celle des personnes quiauraientdétourné une partie des sommes destinées au règlement des travailleurs.
Il est clairement établi dans ce rapport queM.CellouDaleinDIALLO n’a tiré aucunprofit, ni avantagedela signature de la convention de cession des équipements et installations de l’ancienne Air-Guinée à la société Air-Guinée Express-SA.
Dans ce rapport, il lui est simplement reprochéà tortd’avoir initié la cession des actifs. Or, dans les faits, il n’a ni initié la cession, ni effectué les opérations qui s’y rattachent en dehors de ses attributions de Ministre de tutelle (technique) qui concernait l’octroi des droits de traficaérien(licence) à l’acquéreur : Air Guinée Express. Faut-il préciserque les rédacteurs du rapport d’audit n’ont jamais entenduM.CellouDaleinDIALLO, ce qui est contraireà toutes les règles et procédures élémentaires en matière d’audit.
Par ailleurs, L’acquéreurdes actifs de l’ancienne Air Guinée et plusieurs témoinsau courantdu déroulement de cettecessionont, à travers la presse, totalement disculpéM.CellouDaleinDIALLO des accusations portéesà son encontrepar les auteurs du Rapportd’audit exclusivement à charge, rapport repris in extenso parle Procureur spécial dela CRIEF.
En outre,nous avons montré plus haut quela loi no18 du 23 octobre 2001 portant réforme des entreprises publiques et le désengagement de l’État précise clairement qui est responsable des privatisations et des procédures qui s’y rapportent. Notamment, l’information du Conseil des Ministres pour la privatisation des entreprises publiques, sous toutes ses formes.
En tout état de cause, le fait pour un Ministre d’initierou de participer à la procédure conduisant àune privatisationne constituepas une infraction en soi. Le Code pénal en vigueur à l’époque comme celui en vigueur actuellement n’incrimine pas une telle initiativequi relève de la politique gouvernementale.
VI – Conclusions
Au regard de ce qui précède,M.CellouDaleinDIALLO, ancien Ministre des Transports et des Travaux publics,a été convoqué par la CRIEF au mépris de la réalité des faits et du droit applicable. Iln’a commis aucune infraction à la loi pénale en apposant sa signature sur la Convention de cession des actifs de l’ancienne Air Guinée à la société Air-Guinée Express-SA.
Il faut préciser qu’à ce stade de la procédure judiciaire,nous nous sommes réservés d’aborder dans cet avisles questionsjuridiques de fondliées à la prescription, au principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle (sauf les lois pénales plus douces) et l’éventuelleincompétence de la CRIEF. Mais, il convient de retenir que les faits remontent à plusdevingt ans.
Il reste entendu que cet avis juridique a été établipour éclairertous ceuxqui s’interrogentsur le bien-fondé des accusations portées contreM.CellouDaleinDIALLOpar les auteurs du Rapportd’audit du CASSSEetle Procureur spécial delaCRIEF.
LES CONSEILLERSJURIDIQUES DU PRÉSIDENT DE L’UFDG
Maitre Amadou Diallo, Avocat au Barreau de Guinée;
Maitre Titi Sidibé, Avocat au Barreau de Bruxelles.