Il fut un temps où le nom de Gueckédou résonnait dans les coins les plus reculés de l’Afrique de l’Ouest. Une ville phare, un épicentre du commerce et de l’éducation, un joyau de la Guinée forestière. Les rues de Gueckédou bruissaient du tintement des pièces, du chuchotement des marchands venant de pays lointains comme le Mali, la Côte d’Ivoire et la Gambie. Les étals regorgeaient d’articles en provenance de Conakry, du Libéria, de Sierra Leone. Les commerçants internationaux s’y pressaient, reconnaissant la vitalité sans égale du marché de Gueckédou.
L’écho des crampons frappant le sol retentissait chaque week-end, alors que le Makona FC, fierté de la ville, s’élançait sur le terrain, sous les acclamations d’une foule en liesse. L’enthousiasme pour le football n’était qu’un reflet de l’excellence académique de la ville. Gueckédou produisait régulièrement les meilleurs élèves du pays, et la compétition pour le bac y était féroce. La musique, elle aussi, avait trouvé sa place. L’artiste international Tiken Jah Fakoly y venait, non pas en tant que star, mais comme un jeune artiste vendant ses premiers albums.
Soutenue par le Projet Agricole de Gueckédou, l’agriculture prospérait. Les greniers débordaient, assurant la sécurité alimentaire à tous. La jeunesse, passionnée et engagée, se consacrait aux études, rêvant de grandeur. Les dangers de la drogue et de l’alcool étaient lointains, les jeunes filles étaient protégées, et l’avenir semblait radieux.
Mais un matin sombre de décembre 2000 a tout changé. Gueckédou fut assaillie par des rebelles, une conséquence indirecte des troubles politiques des voisins libériens et sierra-léonais. La ville, qui avait tant donné, a été trahie par les jeux politiques de puissances supérieures. Les marchés autrefois vibrants sont devenus silencieux. Les stades, autrefois pleins, ont vu leurs gradins vides. La richesse culturelle, économique et sociale de Gueckédou s’est estompée.
Mais une ville n’est pas seulement faite de bâtiments et de rues. Elle est faite de son peuple. Et le peuple de Gueckédou, malgré les épreuves, n’a jamais abandonné. Ils se souviennent. Ils racontent les histoires de leur âge d’or, en rêvant d’un retour à la gloire.
Gueckédou n’est pas une simple ville. C’est une légende. Une légende qui, malgré les épreuves, continue de briller dans les cœurs de ses habitants. Aujourd’hui, elle a besoin du soutien de la nation, de la sous-région, et du monde entier. Elle mérite de retrouver sa place, de renaître de ses cendres. Gueckédou n’est pas qu’une histoire du passé, c’est une promesse pour l’avenir.
François Phopho KAMANO
Fils du terroir, Directeur des Programmes Afrique Francophone.
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