Le 26 avril 2022, nous, Conseils du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), avons appris par voie de presse et par un communiqué du CNRD la libération de Monsieur Alpha Condé ainsi que la nomination du magistrat Sidy Souleymane N’Diaye, deux personnalités suspectées d’être impliquées dans la répression sanglante contre les militants pros démocratie opposés au troisième mandat.
Le FNDC a également appris que Mohamed Lamine Simankan avait été nommé commandant de la Brigade de recherche et d’interpellation (BRI) et Commissaire et Monsieur Balla Iffono, Chef de division d’appui opérationnel (DAO-DCPJ). Or, selon le FNDC, ils avaient été démis de leurs fonctions après le 05 septembre 2021. Ils viennent d’être réhabilités hier 25 avril dans les fonctions qu’ils occupaient. Ils sont pourtant également soupçonnés d’avoir participé à la répression sous le régime de Monsieur Alpha Condé.
Ces décisions suscitent une incompréhension totale du FNDC et de ses Conseils. Elles inspirent en effet l’impression d’une réintégration d’anciens cadres du régime à l’inverse de la promesse de renouvellement affiché et ce, avant toute enquête judiciaire et au mépris du principe de précaution. Ces décisions sont parfaitement insupportables pour les victimes qui s’estiment bafouées dans leurs droits.
Dans son premier discours, Monsieur Mamadi Doumbouya avait déclaré : « L’instrumentalisation des institutions républicaines, de la justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques […] ont amené l’armée guinéenne, à travers le Comité national du rassemblement et du développement, à prendre ses responsabilités. » Et la justice devait être la « boussole » de la transition. Les propos du colonel avaient suscité beaucoup d’espoir au sein de la population guinéenne, après plusieurs années de dérive autocratique.
Force est cependant de constater que, plusieurs mois après les différents engagements du CNRD et de son Président visant à permettre à la Guinée de renouer enfin avec le chemin de la justice sociale et de lutter résolument contre l’impunité, la situation n’avance pas. Cette absence de réel changement surprend d’autant plus qu’un certain nombre d’acteurs de la société civile, dont le FNDC, sont disponibles pour favoriser et accélérer le processus des procès liés aux crimes de sang.
Hormis l’information judiciaire ouverte par le parquet de la cour d’appel de Conakry en date du 14 janvier 2022, qu’il faut saluer, pas un seul élément ne permet aujourd’hui de nourrir l’assurance d’un engagement rapide du processus de judiciarisation des acteurs à l’origine des exactions. Cette judiciarisation figure parmi les préalables à la restauration démocratique. Nous ne comprenons pas cette situation qui contraste avec les engagements du CNRD. Cette incertitude vient troubler la compréhension quant aux finalités qui sont poursuivies, ce qui ne doit pas et ne devrait pas avoir lieu d’être. Pire encore, nous craignons aujourd’hui, et espérons-en cela nous tromper, que les voix qui
pourraient exprimer ces exigences se retrouvent effacées.
La mise en liberté, dans ces conditions, de Monsieur Alpha Condé accroit indiscutablement les inquiétudes.
Face au désenchantement et aux espoirs déçus des victimes et familles de victimes, nous rappelons notre position : la lutte contre l’impunité, en particulier pour ce qui concerne les crimes de sang, doit être une priorité pendant cette transition car la refondation ne saurait rimer avec l’impunité. Les soussignés attendent que des actes concrets soient pris par les autorités de transition, pour manifester leur intention de réprimer ces actes.
Les soussignés annoncent qu’ils ont d’ores et déjà écrit au procureur de cette cour pour réaffirmer leur souhait qu’une enquête soit rapidement ouverte. Plus que jamais dans ces circonstances, la population guinéenne et les victimes réaffirment, par l’intermédiaire du FNDC et de ses Conseils, leur souhait que la vérité puisse se manifester et que la justice soit rendue.
De la même manière qu’ils l’ont exprimé par les recours introduits ces derniers mois, les soussignés exerceront la plus grande vigilance quant au respect des libertés et droits fondamentaux dans les mois qui suivent. Ils souhaitent que la Guinée revienne rapidement à la stabilité institutionnelle qu’elle réclame depuis de trop nombreuses années et que la transition démocratique annoncée se fasse rapidement, dans le respect de la justice et des droits de toutes les parties prenantes.
Paris, le 26 avril 2022
William BOURDON et Vincent Brengarth