L’an 64 de l’indépendance de la Guinée « je vois dans les rues de Kaloum le désœuvrement des jeunes face au casse-tête du premier emploi,…», discours de Colonel Mamadi Doumbouya
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
La célébration du soixante-quatrième anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale m’offre l’occasion solennelle de souhaiter à toutes et à tous, une très bonne fête.
C’est dans cette mythique salle que notre histoire commune a commencé le 25 août 1958.A travers le vote historique du NON au référendum du 28 septembre 1958, les pères fondateurs de notre Nation ont posé dans la dignité, un acte héroïque qui a abouti, ici même, à la proclamation de l’indépendance de la République de Guinée le 2 octobre 1958, ouvrant ainsi la voie à la libération de nombreux pays africains. Ces hauts faits historiques inédits pour l’époque, demeurent pour nous une source d’inspiration intarissable. Le courage et la détermination des femmes et des hommes qui nous ont libérés du joug colonial continuent aujourd’hui encore de guider nos pas et nos actions au service exclusif de notre bien-aimée patrie.
Depuis cette date historique, et en dépit de nos manquements structurels, de nos divergences sociopolitiques, de nos ambitions pour notre pays, nous avons tenu à garder le cap.
C’est le lieu pour moi, au nom de tous les Guinéens, de m’incliner pieusement devant la mémoire de nos illustres héros, connus et anonymes, qui ont tout sacrifié pour nous permettre d’exister en tant que République unie et indivisible, riche de sa diversité culturelle et sociale. Nous ne trahirons jamais cet idéal qui nous a été légué !
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
Comme vous le savez, la situation qui prévalait en Guinée avant le 5 septembre 2021 était devenue insupportable pour l’ensemble des populations. La situation de notre pays était caractérisée par la corruption généralisée, la dilapidation des deniers publics, la politisation des services publics, le laisser-aller dans l’administration, la baisse du niveau du système éducatif et sanitaire, une pauvreté endémique, l’accaparement des richesses par une minorité d’individus ainsi que le communautarisme exacerbé. Des maux qui ont fini par vider notre nation de toutes ses substances créatrices. D’où la rectification institutionnelle en cours.
Durant les douze derniers mois, mon Gouvernement et le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ont ouvert de vastes chantiers dans de nombreux domaines de la vie de la Nation qui ont non seulement permis de jeter les bases solides d’un progrès socio-économique durable de la Guinée, mais aussi et surtout restaurer et renforcer l’autorité de l’État tout en consolidant l’unité nationale.
Face à l’immensité des défis à relever pour parvenir à reconstruire un État viable, j’ai entrepris de vastes réformes dont les fruits sont déjà visibles partout. Mais loin de se murer dans un triomphalisme rêveur, j’ai instruit le Premier ministre, Chef du Gouvernement, de conduire à terme les actions déjà engagées en surmontant tous les obstacles existants, en vue d’offrir à nos populations le bonheur qu’elles méritent après soixante-quatre ans d’indépendance.
La fête anniversaire de l’indépendance de notre pays coïncide cette année avec la consolidation des acquis et des résultats obtenus grâce au concours de tous, depuis la rectification institutionnelle intervenue le 5 septembre 2021.
Je place ainsi les célébrations de cette fête nationale sous le signe du renouveau, de la réconciliation, de la justice et du pardon pour une Guinée résolument tournée vers son avenir. Nous savons d’où nous venons et nous savons où nous allons.
En prenant leurs responsabilités le 5 septembre 2021, les Forces de Défense et de Sécurité regroupées au sein du CNRD, ont répondu aux aspirations légitimes du peuple de Guinée. La survie de notre nation était à ce prix. Je l’ai déjà dit : l’intérêt de la Guinée est au-dessus des ambitions personnelles et individuelles.
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
Je voudrais de nouveau rassurer nos compatriotes et les amis de la Guinée que les Forces de Défense et de Sécurité et l’ensemble des membres du Gouvernement n’ont aucune intention de confisquer le pouvoir. Ils sont plutôt déterminés à œuvrer pour un retour à l’ordre constitutionnel tout en évitant les erreurs du passé. Car, l’histoire de notre pays nous enseigne qu’une transition bâclée débouche inévitablement sur une nouvelle transition. Notre rôle est de mettre fin définitivement à ce cycle sans fin à travers des garde-fous nécessaires, qui passent par la mise en place d’institutions solides défiant l’espace et le temps et qui résistent à la tentation des hommes.
En cette phase délicate de la vie de notre nation, propice à toutes sortes de convoitises, nous sollicitons la compréhension, l’accompagnement et l’appui de tous les amis de la Guinée pour la réussite de la transition de manière inclusive et apaisée à travers le dialogue et la concertation.
A cet effet, notre main tendue pour un sursaut patriotique, au-delà des clivages ethniques et politiques, reste maintenue afin de construire ensemble la Guinée de demain. Lorsqu’il s’agit de l’avenir de tous et du destin commun, les égos personnels doivent céder la place au bon sens qui commande à tout instant de privilégier l’intérêt général. Oui, je tends une main ferme et fraternelle, sans aucune arrière-pensée afin de taire nos divergences passagères pour faire face à l’immense chantier de refondation de notre pays. Nous le devons à nos enfants et aux générations futures.
Le cadre de dialogue que j’ai institué doit servir de havre pour discuter, sans tabous, de toutes les questions d’intérêt national. Tous les sujets sont les bienvenus dès lors que le consensus est la voie recherchée.
Le peuple de Guinée ne demande qu’à disposer de lui-même.
Je voudrais rappeler que les ambitions personnelles, les destins individuels et les aventures solitaires ne sont pas une voie à même de prospérer hors du consensus auquel le peuple de Guinée aspire.
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
Je voudrais remercier tous nos compatriotes et amis de la Guinée, parfois anonymes, qui œuvrent inlassablement à la défense des intérêts de la Guinée. J’associe à ces remerciements les partenaires au développement, les investisseurs nationaux, étrangers et les ressortissants des pays amis vivant en Guinée pour leur participation active au développement socio-économique de notre pays.
La Guinée reste ouverte au monde et notre diplomatie s’évertue à entretenir des relations de coopération mutuelle, avantageuse avec toutes les nations. La Guinée a été le fer de lance de l’intégration et de l’unité du continent africain ; elle continuera de jouer son rôle dans cette direction.
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
En garantissant la stabilité du pays, malgré un environnement sécuritaire régional tendu, l’armée guinéenne a démontré une nouvelle fois son sens élevé de patriotisme. C’est le moment de féliciter et d’encourager nos Forces de Défense et de Sécurité pour la discipline, l’engagement dans la défense de l’intégrité territoriale, la protection des populations et de leurs biens ainsi que leur participation aux missions de maintien de la paix à l’échelle régionale et internationale, particulièrement au Mali, pays frère avec lequel nous partageons le même idéal panafricain.
Nous n’oublions pas dans nos prières et nos pensées, les vaillants soldats de nos armées, tombés sur le champ d’honneur en défendant la Guinée et les valeurs de liberté qu’elle incarne. Les sacrifices ultimes de nos Martyrs pour que notre Nation brille et continue sa marche victorieuse ne seront jamais vains !
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
Lorsque j’ai prêté serment le 1er octobre 2021 conformément aux dispositions de la Charte de la Transition, je me suis engagé devant la Nation de m’employer de toutes mes forces pour honorer le peuple souverain de Guinée et de servir loyalement mon pays en faisant appel à toutes les compétences pouvant être utiles à l’édification de notre maison commune. Je n’ai pas changé.
Chef de l’État, je comprends parfaitement les douleurs d’une jeune mère en train de donner la vie dans un centre de santé délabré et mal équipé de Balaki parce que l’État a été absent pendant de nombreuses années dans nos villages reculés. J’entends les plaintes d’un père de famille de Boké confronté au coût élevé de la vie pour acheter les fournitures scolaires de ses enfants à la veille de l’ouverture des classes, dans une région où les richesses minières n’ont pas souvent profité aux populations locales. Je vois dans les rues de Kaloum le désœuvrement de certains jeunes face au casse-tête du premier emploi, parce qu’il n’y a pas eu d’adéquation entre formation et marché du travail et une politique d’insertion sociale digne de nom. Je pense à nos paysans de Koundian et d’ailleurs confrontés à la distribution des intrants agricoles parce que pendant des décennies des fonctionnaires véreux ont organisé un système de corruption dans cette filière empêchant les ayants-droits d’obtenir des rendements meilleurs.
Un peu partout, je vois des images d’établissements scolaires à l’abandon depuis des lustres en région forestière notamment, alors que les fonds pour les rénover ou construire de nouvelles salles de classes ont été détournés au détriment de l’avenir de nos enfants… J’en passe !
Chacun de ces manquements de l’État, conséquence d’une gestion catastrophique de gouvernements successifs, dont j’ai hérité, me fend le cœur, m’interpelle et m’oblige à apporter des solutions pour soulager et abréger les difficultés de nos populations. C’est un combat permanent que nous ne pouvons gagner qu’ensemble.
En une année de gestion, des progrès considérables ont été accomplis. Des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux, des points d’eau, des logements sociaux, des centrales électriques sont en construction partout dans le pays. Plusieurs domaines bâtis et non bâtis de l’État, jadis spoliés, ont été récupérés et rendus à la Guinée. De nombreux chantiers arrêtés, faute de suivi correct, ont redémarré. Des contrats miniers de plusieurs milliards de dollars ont été renégociés pour permettre aux Guinéens de mieux profiter des richesses de leur pays. Grâce à une gestion rigoureuse des deniers publics, l’inflation recule, le franc guinéen s’apprécie face aux devises étrangères, une forte croissance est attendue en fin d’année avec tous les indicateurs macroéconomiques au vert, malgré une conjoncture mondiale difficile. Ces progrès économiques ont permis de rehausser, par exemple, les bourses d’entretien de nos étudiants aussi bien en Guinée qu’à l’étranger et de revaloriser les pensions de retraite de nos aînés. De gros efforts faits pour le payement de la dette intérieure permettent à nos entreprises de créer des emplois et de participer à la réduction du taux de pauvreté. Dans la lutte contre la corruption, des dizaines de milliards de nos francs ont été récupérés et reversés dans les comptes du Trésor pour les réinvestir dans des secteurs porteurs de croissance.
Sur le plan judiciaire, après 13 ans d’attente pour les victimes et leurs familles, nous avons mobilisé tous les moyens pour la tenue du procès des événements du 28 septembre 2009. Nous voulons une justice totalement indépendante afin de bâtir un État de droit où tous les citoyens seront égaux devant la loi.
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
L’espoir d’une Guinée meilleure renaît partout, mais malgré tous nos efforts, tant que dans certaines familles, des inégalités et la misère persisteront, je ferai miennes toutes ces souffrances non méritées pour notre pays qui a tout pour offrir à ses filles et fils un cadre de vie décent. Ce cadre de vie rêvé est la raison d’être de mon gouvernement et celle du CNRD.
Je suis conscient que pour arriver au développement harmonieux et équilibré de la Guinée, nous devons nous réconcilier avec notre histoire commune, construire une communauté de destin basée sur la justice et le pardon au bénéfice de tous !
Guinéennes, Guinéens, chers compatriotes !
Nous croyons profondément aux valeurs qui fondent notre pays. Il est de notre devoir de veiller à ce que le pacte républicain à construire au cours de cette Transition converge avec la vision du Peuple.
Tout en vous invitant à l’unité, au rassemblement, à la cohésion, à la vigilance et à la concorde nationale, je formule pour chacune et chacun de vous mes vœux ardents de santé et de bonheur dans une Guinée paisible et fière de son parcours malgré les soubresauts de notre Histoire que nous assumons pleinement.
Bonne fête d’indépendance à Bhabhasy dans Bantignel au Foutah, à Koukoudé dans Douprou et à Kassa en Basse-Guinée, à Tokpata dans Wômè en Forêt, à Batila dans Baranama en Haute-Guinée et partout où bat le cœur de notre cher pays !
Vive la République !
Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens !
Je vous remercie.
COLONEL MAMADI DOUMBOUYA
PRÉSIDENT DU CNRD
PRÉSIDENT DE LA TRANSITION
CHEF DE L’ÉTAT