Médias: Des éclaircissements pour que cesse la guéguerre entre Associations et syndicats de la Presse privée (par Saa Joseph KADOUNO, Journaliste Reporter d’Images)
Ces temps-ci, les associations et syndicats de la presse privée guinéenne font la Une des organes de presse. Quel est le problème ?
Le 13 août 2022, le Bureau national du Syndicat de la Presse privée de Guinée (SPPG) a publié une déclaration dans laquelle il fait mention de l’application de « Mesures disciplinaires » à l’encontre« d’un journaliste »qui a obtenu des informations auprès d’une entreprise exerçant à N’Zérékoré (Commune urbaine, région ou préfecture, cela n’a pas été précisé par le SPPG) sous une identité frauduleuse. Il s’agit de l’interdiction faite au journaliste dont le nom est jusque-là confidentiel, de l’exercice de la profession de journaliste pour une durée de six mois « à compter de la date de publication » de la décision du SPPG et de l’interdiction faite à ce journaliste de participer à des activités pour une couverture médiatique. Cette seconde mesure disciplinaire reste en vigueur « jusqu’à la prochaine » célébration de la journée internationale de la liberté de la presse, soit le 03 mai 2023.
Le 19 août 2022, 4 organisations de patrons de médias privés guinéens ont attaqué cette décision du SPPG à laquelle elles ont exprimé leur désolidarisation. Ces organisations sont : l’URTELGUI (L’union des Radios et Télévisions libres de Guinée), l’AGUIPE (L’Association guinéenne de la Presse en Ligne), l’AGEPI (Association guinéenne des Éditeurs de la Presse indépendante) et le REMEGUI (Réseau des Médias sur Internet).
En substance, elles (les 4 organisations patronales de presse privée susmentionnées) ont estimé que la décision du SPPG était une nouveauté en Guinée et qu’elles vont saisir la HAC (Haute Autorité de la Communication) pour faire annuler la décision du SPPG.
Le samedi 20 août 2022, dans une déclaration intitulée « Réplique à la déclaration conjointe mensongère et provocatrice de 4 organisations patronales de presse à savoir : l’URTELGUI, l’AGUIPEL, l’AGEPI et le REMEGUI) », le SPPG a rappelé que l’AGEPI a fait pareil contre un journaliste « membre » de sa structure « qui se faisait passer pour Antoine KOUROUMA [journaliste chroniqueur) d’Espace TV pour des fins d’arnaques ».Ce dernier a été sanctionné par l’AGEPI pendant 3 ans, selon le SPPG.
Dans sa réplique, le SPPG a fait savoir que la HAC dont l’AGEPI « se réserve le droit de saisir »n’a aucune influence« sur le fonctionnement interne d’une organisation surtout lorsqu’il s’agit d’un syndicat » comme lui, le SPPG.
Mon appréciation de la situation
Il est à remarquer dans le SPPG, une volonté de sanctionner une atteinte grave aux conditions d’exercice du métier de journaliste. L’utilisation d’une identité frauduleuse pour exercer le métier de journaliste en République de Guinée ne figure pas dans les dispositions réglementaires de la Loi L002 de 2010 encadrant notre profession. Il convient néanmoins de souligner qu’on enseigne dans les écoles de journalisme que la morale qui est intimement liée à l’éthique, doit être une des valeurs qui orientent l’activité du journaliste. Moralement donc, le fait de se faire passer pour un journaliste d’un média dont on relève pas mais par simple désir de bénéficier des avantages en raison de la notoriété de ce média, jette un discrédit sur le journaliste concerné et sur la corporation.
Les personnes qui se laissent entraîner sur ce chemin ne peuvent donc être poursuivies que pour faux et usage de faux ou d’usurpation de fonction. Les juristes sauront mieux qualifier les faits. (Rire).
De l’interdiction par une Association ou un syndicat de presse de l’exercice de la profession de journaliste à un pratiquant
Les organisations et syndicats libres de la presse peuvent bel et bien sanctionner un journaliste qui a violé les principes d’éthique et de la déontologie du journalisme. Mais ils.elles doivent le faire en commun accord avec la Haute Autorité de la Communication, l’organe régulateur. C’est le cas par exemple du retrait de la Carte de presse professionnelle.<< la HAC en collaboration avec les organisations professionnelles des médias peut retirer la carte professionnelle d’un journaliste. La carte de journaliste professionnel est retirée à tout titulaire :
-ayant fait l’objet d’une condamnation privative des droits civiques non amnistiée ou qui n’a pas été réhabilité ;
-ayant commis une faute professionnelle dont l’appréciation est laissée à la HAC en collaboration avec les organisations professionnelles de médias >>,mentionne l’article 29 de la Loi/2020/0010/AN du 03 juillet 2020 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement de la HAC.
Il revient à dire encore que l’interdiction de l’exercice de la profession de journaliste relève du ressort de la HAC qui peut être saisie pour lui signaler les violations de la réglementation où elle le fait elle-même comme le précise l’article 49 au titre titre IV (relatif notamment à la prise de décision par la HAC) à sa Section 2 (relative au contrôle et aux sanctions de la HAC)de la même loi.
« La HAC peut être saisie à tout moment par les entreprises de presse, par les syndicats de journalistes, les organisations professionnelles de la presse et du livre, les membres de l’équipe rédactionnelle ou par tout journaliste dans tous les cas de violation des lois et règlements en matière de communication. Elle peut également se saisir d’office et signaler aux autorités compétentes de toute infraction de nature à porter atteinte à la transparence dans la création et la gestion des entreprises de presse. Elle formule ses avis qui sont consignés dans un procès-verbal et transmis au Conseil d’Administration ou à la gérance des entreprises de presse concernées. Elle fixe un délai aux intéressés pour se conformer à la mise en demeure ou pour exécuter les mesures prescrites par la loi en matière de communication ».
Recommandations
La situation actuelle entre le SPPG, l’AGEPI et cie, m’amène à faire certaines recommandations. Elles sont numérotées comme suit :
N° 1 : à la HAC
– prendre cette situation comme une jurisprudence pour intégrer l’utilisation frauduleuse d’identité par les journalistes dans la loi sur la liberté de la presse. Cela pour éviter des privations de liberté aux hommes de médias hors cela est proscrit avec notamment la dépénalisation des délits de presse ;
– mettre en branle la commission Formation et Promotion de compétences pour si, ce n’est pas le renforcement de capacités des journalistes sur toute l’étendue du territoire (y compris les correspondants de médias étrangers), la vulgarisation des principes déontologiques du journalisme ;
– demander à cette commission d’éviter toute complaisance dans la délivrance de certifications aux écoles de journalisme et de communication qui foisonnent dans le pays ;
– de conditionner la délivrance de la licence d’exploitation ou d’autorisation d’installation par la capacité de l’organe (Radio, télé, site web, etc.), à sa capacité de pouvoir prendre en charge son personnel bien avant que ce dernier commence à lui faire un retour sur investissement. La plupart des médias qui pullulent dans notre pays ont même du mal à respecter le SMIG à leurs employés. Cela peut conduire ces derniers à succomber devant une tententation comme c’est le cas du journaliste qui cause des tiraillements entre le SPPG d’une part, l’AGEPI et compagnie de l’autre.
N° 2 : au SPPG
– de ne pas couvrir les journalistes qui outrepassent la réglementation pour ne pas qu’ils fassent d’autres victimes ;
– de faire valider sa décision par la HAC.
N° 3 : aux patrons de presse
– de faire en sorte que les journalistes aient un salaire décent qui l’empêche de réclamer même le transport aux organisateurs d’événements. Les Reporters sont surtout les producteurs des bénéfices des médias. Ils font partager leur équipement.
N° 4 : au SPPG, l’AGEPI et compagnie
– de surseoir à toute autre déclaration par médias interposés
N° 5 : à l’AGEPI et compagnie
– de surseoir à son intention d’engager un bras de fer avec le SPPG devant la HAC. Ça aurait un sens mais je crois qu’il faut revenir à de meilleurs sentiments.
Saa Joseph KADOUNO, Journaliste Reporter d’Images (JRI), Freelance, Panafricaniste, Activiste des droits humains